L'idée d'être présent en plusieurs endroits en même temps, de transcender les frontières pour se connecter avec ses racines, est un désir partagé par des milliers d'immigrés qui ont quitté leur pays d'origine dans l'espoir d'offrir une vie meilleure à leurs familles. Dans les années 60, plus de 700 000 Algériens ont entrepris un voyage vers un pays inconnu, la France, répondant à l'appel du besoin de main-d'œuvre. Des décennies plus tard, les enfants nés de cette migration ont trouvé leur place dans les écoles de la République française. Dès leur plus jeune âge, ils accompagnent leurs parents lors de voyage initiatique de l'autre côté de la Méditerranée pour renouer avec leurs racines. Aujourd'hui, plus de 6 millions d'Algériens vivent en France, et bon nombre d'entre eux possèdent la double nationalité.
Ce double lien national s'exprime à la fois socialement et architecturalement, créant un dialogue entre deux villes : Marseille et Alger. Des bâtiments, des places, des quartiers se retrouvent dédoublés, formant une mosaïque qui témoigne d'une identité commune répartie sur deux territoires distincts, séparés par 700 kilomètres de Méditerranée.
Le projet "SANS VISA" naît de cette dualité, de la nécessité de réunir des familles séparées par les refus d'obtention de visa. Face à l'indomptable administration, l'idée d'une indépendance administrative pour les digues de Marseille et d'Alger émerge. Ces lieux stratégiques, situés à la rencontre de la mer et de la ville, deviendraient alors un territoire neutre, une passerelle entre les deux pays. "SANS VISA" serait un espace de retrouvailles, un lieu où aucune formalité administrative ne serait requise pour séjourner, permettant aux familles de se réunir sans entrave. Les deux digues, bordées de quais côté port et de murs massifs côté mer, avec leur morphologie distincte, incarnent ce territoire unique.
À travers la réhabilitation de ces infrastructures, "SANS VISA" propose une expérience unique. Le môle des combustibles se transforme en parc aquatique et centre nautique pour les compétitions olympiques. Le pont-levis devient un marché proposant des produits des deux pays. Les grues se transforment en locations de vacances offrant des vues panoramiques. Les containers vides et les bateaux deviennent également des locations de vacances. Le mur de protection accueille un tramway desservant les bâtiments inoccupés. Les blocs de béton, éléments distinctifs de l'identité locale, sont réaménagés pour de nouveaux usages, allant des murs d'escalade aux cinémas flottants.
"SANS VISA" se veut être un pays-vacance inclusif, où la traversée de la cité se fait à travers trois modes de mobilité douce : tramway, voie piétonne et piste cyclable. C'est une bulle qui invite au rêve, à l'imagination, mettant en avant le fait d'être un citoyen du monde. La cité est un territoire commun pour deux cultures, deux modes de vie différents mais complémentaires, sans papier requis pour y séjourner.
Ce projet architectural, "SANS VISA," incarne l'esprit de réunification, de dialogue entre deux mondes, à travers une architecture innovante et une vision audacieuse. Il transcende les barrières administratives pour créer un lieu de rencontre et de partage, offrant aux familles franco-algériennes la possibilité de se réunir, de célébrer leur double identité, et de vivre la liberté des deux côtés de la Méditerranée. "SANS VISA" est une ode à l'unité et à l'harmonie, un pont entre deux rives, et une célébration de la diversité qui nous lie tous.
Depuis le prisme de la double culture, il devient de plus en plus évident que les frontières traditionnelles perdent leur pertinence, devenant obsolètes et dépassées. Cette réflexion émane d'une communauté de personnes qui vivent avec un pied dans deux cultures, faisant fi des frontières classiques.En tant qu'architectes, nous nous sommes interrogés sur la signification, le symbolisme et la légitimité des frontières dans un monde marqué par le phénomène de la double absence. Dans un contexte mondialisé d'hyper mobilité et de libre-échange, la circulation des biens et des capitaux n'a jamais été aussi fluide. Cependant, il est essentiel de noter que cette facilité ne s'applique pas aux individus. Les délivrances de visas et les contrôles aux frontières entravent la mobilité des personnes, créant des obstacles à la libre circulation.Dans l'imaginaire collectif, les frontières se transforment en murs. Notre proposition est de repenser ces frontières pour les rendre plus perméables. En réimaginant le potentiel des digues abandonnées, le projet "SANS VISA" vise à créer des territoires dédiés aux retrouvailles des familles vivant cette double absence. Il met en lumière les possibilités, les rêves et les besoins de ces individus dans des territoires neutres qui forment une nouvelle forme de frontière, plus flexible et significative.Le projet invite à se demander : "À quoi ressemblerait une frontière plus humaine ?" Dans cette vision alternative, les frontières prennent de l'épaisseur et deviennent des destinations en soi, déconnectées des appartenances nationales. Cette approche pourrait s'appliquer non seulement à Marseille et Alger, mais également à d'autres villes méditerranéennes partageant des similarités architecturales, culturelles et climatiques.Partant du principe que les frontières actuelles ne correspondent plus à un monde en évolution, ce projet explore des territoires capables de déployer des frontières plus poreuses, stratégiques et inclusives. "SANS VISA" aspire à devenir une cité-vacance où règnent le rêve, l'imagination, et l'idée d'être un citoyen du monde. Ni totalement d'un côté, ni totalement de l'autre, elle incarne une nouvelle façon de concevoir l'identité et l'appartenance.Ce projet architectural audacieux remet en question les normes établies et offre une vision inspirante d'un monde où les frontières sont des points de rencontre, plutôt que des barrières. Il célèbre la diversité, l'inclusion et la réinvention de la notion même de frontière.
Créer un système équitable, réinventant la manière dont le territoire est organisé. Dans le cadre du "Troc de l'Urbanisme," chaque espace urbain a la possibilité d'évoluer en fonction des besoins changeants.